http://dl.ub.uni-freiburg.de/diglit/brentano1944/0024
0
22 psychologie du point de vue empirique
conduit plus sûrement que l'éclectisme à la division des opinions
philosophiques.
Dans le domaine de la science, tout comme sur le terrain de la
politique, 1,'accopd se réalise difficilement sans guerre préalable;
seulement, dans les luttes philosophiques, il s'agit de fai^e triompher
non pas l'opinion de tel ou tel chercheur, mais uniquement
la vérité. A l'origine de ces luttes il doit y avoir, à la place de la
volonté de domination, l'ardent désir d'une subordination commune
à la vérité une et unique. Si je me suis donc attaché sans ménagements
à réfuter et à écarter les opinions d'autrui toutes les N
fois qu'elles me semblaient erronées, j'accepterai de bon cœur
et avec reconnaissance toutes les rectifications qu'on pourra
m'opposer. Mais si l'on trouve que, dans les présentes investigations
ou dans celles qui suivront peut-être, je m'en prends assez
souvent et avec une particulière insistance aux savants les plus
éminents, tels que Mill et Bain, Fechner, Lotze, Helmholt
et autres, on voudra bien croire que mon dessein n'est pas de diminuer
leur mérite, ni d'affaiblir la puissance de leur action. C'est,
au contraire, l'indice que, tout comme tant d'autres, j'ai, de façon
spéciale, subi leur influence bienfaisante, soit en me ralliant à
leur doctrine^ soit en la combattant. Il me serait donc agréable
qu'à mon exemple d'autres pussent tirer profit de l'examen
approfondi de leurs théories.
Parfois, il est vrai, ma polémique sera dirigée contre des opi~
nions auxquelles je ne puis reconnaître en soi tant d'intérêt,
Deux raisons m'ont poussé à les étudier assez longuement : elles
connaissent une diffusion excessive et exercent actuellement
une influence regrettable sur un public qui, en matière de psychologie
moins encore que dans d'autres domaines a été habitué à
exiger une rigueur scientifique.
Plus d'une fois on trouvera sous ma plume des affirmations
toutes nouvelles. Mais il sera facile, je crois, de se convaincre en
tout cas que je n'ai pas désiré l'originalité à tout prix. Au
contraire, ce n'est qu'à contre-cœur et quand ~j'y fus forcé par
des raisons déterminantes et, à mon sens du moins, écrasantes
que je me suis parfois ainsi libéré de toutes les conceptions traditionnelles
. Mais, à y regarder de près, l'on reconnaîtra que même
dans les domaines où j'affirme le mieux mon originalité, je n'ai
pas manqué, ici ou là, de précurseurs. Je n'ai jamais omis d'attirer
l'attention sur ces travaux préparatoires; et même dans les
cas où ma façon de voir s'était développée sans le moindre rapport
avec telle conception antérieure analogue, je n'ai pas néglige de
faire mention de cette dernière. Ce qui m'importait, en effet, ce
n'était pas de passer pour Finyenteur d'une /doctrine nouvelle,
mais d'apparaître comme le représentant d'une doctrine véridi-
que et sûre. /
Mais si les théories anciennes ne nous apparaissent parfois
que comme des préparations à une doctrine plus juste, il est
évident que nos travaux ne seront eux aussi qu'un faible acheminement
vers des productions futures d'une plus grande perfection
. Lorsqu'une certaine philosophie a réussi de nos jours à passer ■
un instant pour la conclusion de toute science, on eut tôt fait de
reconnaître non pas qu'on ne pouvait la dépasser mais qu'il était
impossible de l'améliorer. Une doctrine scientifique qui exclut
tout développement ultérieur pour atteindre à une vie plus parfaite
est toujours un enfant mort-né. Mais la psychologie en
particulier se trouve de nos jours dans une situation telle que ceux
qui s'y prétendent experts y manifestent plus d'ignorance que
http://dl.ub.uni-freiburg.de/diglit/brentano1944/0024