http://dl.ub.uni-freiburg.de/diglit/brentano1944/0090
88 PSYCHOLOGIE DU POINT DE VUE EMPIRIQUE
Il me semble que, pour tous ces motifs, nous pouvons dire nettement
que radmirable tentative de Fechner en vue de mesurer les
intensités psychiques n'a pas remédié ou n'a remédié que pour
une part infiniment petite à l'inconvénient dont'nous traitons en
ce moment.
On reconnaîtra maintenant combien j'avais raison de déclarer
plus haut qu'à mon grand regret je ne pouvais partager l'opinion
de Wundt : l'existence de ce qu'il appelle la seconde dimension
des phénomènes psychiques m'apparaît comme absolument incapable
d'accroître l'exactitude scientifique de la psychologie; je la
crois au contraire susceptible de lui faire beaucoup de tort et de la
rendre pour le moment absolument impossible. En effet, là où le
procédé de Fechner ne peut s'appliquer, il nous est absolument
impossible, jusqu'à ce jour du moins, de déterminer l'intensité
des phénomènes psychiques autrement que par une vague comparaison
du plus ou du moins.
Voilà donc les deux raisons qui s'opposent à la conception
précise des lois fondamentales de la succession psychique : il ne
s'agit que de lois empiriques, subordonnées à l'influence variable
de processus physiologiques encore inexplorés; en^outre, l'intensité
des phénomènes psychiques, dont l'influence est loin d'être
négligeable ne peut faire jusqu'à présent l'objet de mesures précises
. La mathématique n'en garde pas moins un champ possible
d'application. La statistique nous fournit elle aussi des données
numériques et précisément la méthode statistique s'applique
d'autant mieux qu'on considère des lois plus imprécises et des
cas où l'action constante d'une cause ne peut se déterminer qu'en
prenant la moyenne relative de ses effets. C'est ainsi que la mathématique
s'avère l'aide indispensable de toutes les sciences à tous
les degrés d'exactitude et quelles que soient les différences des
conditions.
§ 3. Bien que notre induction psychique ne puisse pénétrer
jusqu'aux lois fondamentales proprement dites, elle atteint cependant
des lois d'une très grande généralité. Il sera donc possible
d'en déduire des lois plus spéciales. Ce que nous pouvons faire
de mieux pour déterminer les lois des phénomènes psychiques
complexes, ce sera de prendre modèle sur la méthode dont on use
dans les sciences de la nature et notamment en physiologie pour
résoudre les cas complexes. Mais dans les sciences de la nature,
on ne se contente pas de déduire, de lois supérieures, la loi d'un
phénomène complexe : on s'attache à vérifier la loi ainsi déduite,
en faisant appel à l'expérience et à l'induction directe. De même
le psychologue devra chercher par la voie inductive la confirmation
de la loi qu'il aura trouvée par la méthode déductive. Bien
plus, pareille vérification paraît s'imposer à lui plus qu'à personne.
http://dl.ub.uni-freiburg.de/diglit/brentano1944/0090