Freiburger historische Bestände - digital

C H A P I T R E III
L'ART CLASSIQUE

L'arrivee dans notre pays, vers la fin du
XVIIe siecle, d'un nouveau style architec-
tural, qui rompt definitivement avec les
pratiques moyenägeuses de l'epoque an-
terieure, colncide avec une tres profonde
evolution de l'etat politique et social. Cette
coiincidence n'est pas due au hasard; ce
n'est pas le hasard non plus qui a voulu
que les noms de familles Montmollin et
Chambrier figurassent sur les premieres
bätisses importantes de ce nouvel art; ici
encore l'histoire de l'architecture est fonc-
tion de l'histoire politique, oü ces familles
jouerent les premiers röles ä cette epoque.
Des la fin du XVIIe siecle, par le jeu des
circonstances s'etablit, en effet, ce regime
aristocratique, assez liberal ä la verite,
qui gouvernera le pays jusqu'en 1848; son
action qui s'etait fait dejä sentir ä l'occa-
sion des conflits survenus entre la vieille
duchesse de Nemours et son brillant neveu,
le prince de Conti, devait triompher en
1707, quand fut rendue la sentence des
Trois-Etats, appelant la dynastie des
Hohenzollern ä relever les droits de la
maison de Chalon-Orange et ä regner sur
Neuchätel. Ce nouveau regime, en gesta-
tion depuis la fin du XVIe siecle, repose
sur le prestige de quelques familles consi-
derees et fortunees, Hees entre elles par des
unions frequentes et menant une vie mon-
daine et sociale beaucoup plus brillante
que precedemment. Pour ce nouveau
genre d'existence, les anciennes construc-
tions que nous avons decrites au cha-
pitre II ne pouvaient suffire. II fallait
desormais des edifices plus elegants, plus
imposants de l'exterieur pour marquer la
distinction sociale, et mieux amenages ä
l'interieur pour les cercles, les diners et les
receptions.

Ces nouvelles generations sont plus
ouvertes que les precedentes et, semble-t-
il, plus aventureuses. Des le debut du
XVIIIe siecle, nous trouvons des Neu-
chätelois dans presque tous les regiments
recrutes en Suisse par les gouvernements

etrangers, dans ceux qui servent les Etats
generaux de Hollande particulierement.
D'autre part un certain nombre d'entre
eux font d'honorables carrieres dans la
diplomatie prusienne, gräce ä leur parfaite
connaissance du francais qui etait leur
langue maternelle ainsi que l'organe des
negociations de l'epoque. Mais si l'on s'ex-
patrie pour servir le prince ou l'etranger,
l'on n'en demeure pas moins fort attache
au sol natal oü l'on revient pour prendre
sa place dans les conseils; aussi bien n'y
a-t-il pas lieu de s'etonner si, ä la suite de
ces allees et venues continuelles, notre
pays s'est ouvert plus largement que par
le passe ä l'influence de l'art etranger, celui
de Versailles et de Mansart; d'autant plus
que, depuis 1685, la revocation de l'Edit de
Nantes et les persecutions de Louvois ont
fixe chez nous un assez grand nombre de
protestants francais, qui apporteront dans
notre region le goüt ä la mode et de pre-
cieuses qualites d'industrie et d'energie.

Cependant, dans cette derniere periode
de l'histoire de l'architecture qui s'ouvre
ä la fin du XVIIe siecle et qui s'etend
jusqu'au XIXe, il est necessaire de distin-
guer une premiere periode qui va jus-
qu'aux environs de 1750 et correspond ä
ce que l'on est convenu d'appeler en
France le style Louis XIV et le style Re-
gence. Les grandes constructions de ce
temps sont le fait des classes dirigeantes,
des magistrats, diplomates et militaires,
au lieu que dans la seconde moitie du
XVIIIe siecle c'est une nouvelle evolution
des conditions economiques et de la vie
sociale, c'est le prodigieux developpement
du negoce et de l'industrie qui provoque-
ra un nouvel essor de l'architecture, oü
l'on pourra relever 9a et lä quelques in-
fluences du baroquegermanique. Enfin, au
debut du XIXe siecle, les decouvertes des
archeologues se traduiront par un souci
tout particulier de l'exactitude dans l'imi-
tation de l'antiquite et inspireront un style
nouveau que l'on peut reconnaitre dans

XVIII