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LE MESSAGER DU RHIN
uniforme (178 5). Nomrae inspecteur des bätiments pu-
blics de la Haute-Alsace, il est de nouveau architecte,
construit l'höpital de Thann, la maison des chanoinesses
de Masevaux.
La Revolution francaise eclate, ses principes enflam-
ment Kleber. Bouillant d'ardeur il s'engage dans le ba-
taillon du Haut-Rhin ä Ribeauville (1792). Bientöt il
se fait remarquer ä la fois par sa bravoure et ses con-
naissances militaires. C'est un soldat ne, c'est lä son
metier. II se distingue au siege de Mayence, est nomme
general de brigade et envoye en Vendee pour reprimer
le soulevement (179 3). II remporte des victoires, il
essuie des revers. A la bataille de Torfou il s'exclame :
« Tiaple, ces pricands se pattent pien ! » Son accent
alsacien fait sourire. Vainqueur des Vendeens, qui l'es-
timent pour son esprit humain, Kleber passe comme general
de division ä l'armee du Nord en 1794, se couvre
de gloire ä Fleurus, ä Marchiennes, il s'empare de Möns,
de Louvain, de Maastricht. La il donne les ordres neces-
saires pour empecher le pil-
lage et les vexations et pour
garantir les usages: « Quand
on a vaincu l'ennemi par la
force, il faut encore une fois
le vaincre par les bons pro-
cedes, c. ä d. forcer son es-
time. » Ce sont lä des
accents inaccoutumes d'un
homme de guerre.
La haute taille de Kleber,
sa mäle beaute, sa longue et
epaisse chevelure blonde, son
allure martiale, son regard
droit et fier sont connus
dans l'armee entiere. II est
devenu celebre par son acti-
vite infatigable, sa bravoure
ä la fois calme et audacieuse,
ses connaissances militaires
profondes, son coup d'ceil
juste et son habilete. Mais
on craint aussi ses sautes
d'humeur, sa brusquerie, sa
colere. En 179 5 et 1796 il
remporte plusieurs victoires,
notamment ä Altenkirchen,
il conduit bien ses hommes
qui le venerent, car il paye
toujöurs de sa personne dans les moments dangereux, et
il se devoue pour le bien-etre de ses soldats, il inspire
confiance et Sympathie. II est un des soldats les plus
remarquables que la Revolution francaise ait produits.
Mais detestant les intrigues, d'une franchise terrible,
d'un esprit d'independance farouche, difficile ä manier,
c'est un vrai Alsacien, tete carree et frondeur. Le gou-
vernement du Directoire ne lui donne pas d'abord le
commandement en chef de l'armee de Sambre-et-Meuse
qui etait du ä ses merites. Depite, mecontent, plein de
rancune il donne sa demission et ne veut pas revenir
sur sa decision, quand enfin le gouvernement lui confie
ce commandement. II rentre dans la vie privee (1797),
est ä Strasbourg, oü il pave ses dettes, il ne s'est pas enrichi.
Le general Kleber
II va ä Colmar, invite par la famille de Reiset. Marie-
Anne de Reiset lui plait comme en 1793, mais le vieux
soldat de 44 ans n'ose plus pretendre ä cette fraiche
jeunesse. II se rend ä Paris, il est aigri, decourage, fu-
rieux.
Bonaparte le tire de la retraite et le nomme general
de division pour l'expedition d'Egypte (1798). II s'illustre
ä Alexandrie, pendant l'expedition de Syrie, mais
les frictions ne manquent pas non plus entre Bonaparte
et Kleber de seize ans plus äge que le commandant en
chef. II lui ecrit une lettre bien fiere : « J'attends, general
, l'ordre de cesser mes fonctions... jusqu'ä ce que
vous soyez un peu mieux instruit de ce qui se passe...
Je ne suis pas venu en Egypte, pour faire fortune, j'ai
su jusqu'ici la dedaigner partout, mais je ne laisserai
jamais non plus planer sur moi aucun soupcon. •>
Kleber est probablement le seul qui ait ose parier de la
sorte ä Bonaparte. Et quand celui-ci quitte un peu trop
rapidement l'armee et l'Egypte, laissant ä Kleber le haut
commandement (aoüt 1799),
le Strasbourgeois tempete
durement contre lui. La res-
ponsabilite est grande, l'armee
d'Egypte depourvue de
tout, le pays entoure d'en-
nemis. Mais Kleber ne plie
pas sous le fardeau. Quand
il fait son entree au Caire,
revetü des insignes du general
en chef, on admire
son regard, son teint frais
et sain; une impression de
beaute puissante et noble,
de sürete et d'equilibre se
degage de lui. La Situation
cependant est mauvaise.
Kleber traite et veut quitter
le pays avec tous les hon-
neurs militaires. Le traite
est signe, mais les Anglais
ne l'acceptent pas, deman-
dent la reddition pure et
simple. Et alors Kleber lance
la phrase fameuse : « Soldats
, ä de telles propositions
on repond par des victoires!»
Le mot de Napoleon trouve
son application ici : « Personne
n'est beau comme Kleber un jour de combat. »
II culbute les Turcs ä Heliopolis malgre leur superio-
rite numerique tres grande (24 mars 1800), et il ecrasc
l'insurrection du Caire. II s'adonne avec beaueoup
d'ardeur et de bon sens ä la reorganisation du pays,
quand, le 14 juin 1800, le poignard d'un assassin Je
frappe ä mort. Un des plus grands enfants de l'Alsace
disparait tragiquement.
En 1840 la ville de Strasbourg lui eleve par la main
de Philippe Grass le monument remarquable, et le maire
Schützenberger formule la belle phrase qui resume le
mieux le grand general : « La gloire de Kleber appar-
tient ä la France, l'individualite de son caractere appar-
fient ä l'Alsace! » Louis COLON.
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