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LE MESSAGER DU RHIN

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et chevaleresques fonderent ces magnifiques abbayes
qui grouperent vite autour d'elles des agglomerations
riches et heureuses. Race de grands hommes, les moines
furent des createurs de bien, c'est autour d'eux et gräce
ä leur ardeur disciplinee que ces terres se sont couvertes
de champs verts et d'oceans blonds.

Le Puy merite une place de choix dans l'histoire de
la premiere croisade. Le Pape Urbain II y vint en 109 5
et ce fut lui et l'Eveque, le celebre Adhemar de Monteil
qui imposerent la croix d'etoffe rouge sur l'epaule droite
des croises. Adhemar de Monteil « l'eveque casque,
doue pour toutes choses, elegant ä cheval », tres pieux
et tres brave, cultive et energique, fut l'äme et le chef
de l'expedition. II se montra vrai chevalier ä la bataille
de Nicee et au siege d'Antioche, oü il mourut de la
peste. C'est lui qui a compose le Salve Regina entre
1088 et 1095. C'est dans la cathedrale du Puy que. cet
hymne fut chante pour la premiere fois. C'est au Puy
encore que l'Angelus prendra sa forme definitive. En
1460, la veuve d'un riebe marchand fonda la charge
'«Je faire sonner l'Ave Maria ä la cathedrale « tant du
matin, midy, que du soir ».

Vers 1080, la ville qui s'appelait Mont-Anis prit
desormais le nom de Puy-Sainte-Marie, c'est-ä-dire col-
line de la Sainte Vierge. Au cours de la guerre de Cent
ans, pour se debarasser des Grandes Compagnies qui
devastaient la contree, le roi envoya Bertrand du Gues-
clin. Celui-ci vint d'abord au Puy prier Notre-Dame
puis alla assieger les ennemis qui se rendirent.

Notre-Dame du Puy etait alors de tous les lieux de
pelerinage consacres en France ä la Sainte Vierge le
plus celebre et le plus frequente. On y venait non seu-
lement de France, mais d'Italie, d'Angleterre et d'Es-
pagne. Les pelerins d'Europe centrale s'en allant ä. Saint-
Jacques-de-Compostelle ne manquaient pas de s'y arre-
ter. Cela dura plus de dix siecles.

Plus de quinze rois de France dont Saint Louis,
Charles VII, Louis XI y revinrent plusieurs fois. On les
vit assister ä l'office canonial revetant le surplis et
l'aumusse de chanoine. Charlemagne delivrant la ville
des Sarrasins, en ex-voto de sa victoire, fit suspendre
aux voütes de la cathedrale les roues des chars musul-
mans. De nombreux Papes viendront aussi aux pieds de
la Vierge. Urbain II d'abord pour y lancer la premiere
croisade, puis successivement au XIP siecle Pascal II, •
Gelase II, Calixte II, Innocent II, Alexandre III plusieurs
fois. Que de saints passerent lä. Le celebre abbe
benedictin Saint Mayol, Pierre le Venerable, Saint
Odilon, Saint Robert, Saint Dominique y fondera un
couvent. Saint Vincent Ferner y aura ses « flagellants ».
Saint Bonaventure, Saint Antoine de Padoue viendront.
En pleine disette anglaise, les Ciarisses s'y etablissent.
Les Chartreux, les Chevaliers de Saint-Jean de Jerusalem
, les Templiers y auront des monasteres. Les Jesuites
seront appeles pour fonder un College vite estime un des
meilleurs de France, les cours y sont gratuits. Saint
Francois-Regis soulevera la ville et la contree par son

zele inlassable et par surcroit sauvera l'industrie de la
dentelle au carreau. On comprend l'appreciation de
l'ecrivain Camille Jullian affirmant que « cette contree
qui presenta l'equivalent celtique de Delphes ou de
Saint-Jacques, de La Mecque ou de Lourdes etait bien
le milieu moral de toute la Gaule ».

«II n'est peut-etre pas, en France, dit E. Male,
d'eglise plus extraordinaire que la cathedrale du Puy.
Tout ici evoque l'Orient, cet eternel Orient qui a fasci-
ne le moyen äge et qui garde pour nous toute sa seduc-
tion. On sent, ä la cathedrale du Puy, un desir nostal-
gique des pays de lumiere. Ce decor africain, cet elan
vers le sud donnent ä cette etrange cathedrale un char-
me irresistible. »

A l'emplacement de l'edifice actuel, il y eut d'abord
une premiere eglise commencee vers 493 par l'eveque
Vosy. La cathedrale date du XIP siecle, mais eile a ete
souvent reparee et presque entierement reconstruite au
siecle dernier. Seules les trois ou quatre travees de la
nef sont intactes. Cependant l'etat actuel reproduit l'etat
primitif sauf le chevet et la tour centrale qui a ete
agrandie. C'est une des plus belies ceuvres de l'art ro-
man. On y sent l'influence de l'Auvergne, de la Bour-
gogne, de la Provence et de l'Orient. Ce n'est pas encore
la maison de priere diaphane du gothique, mais
dejä les construeteurs, comme dit M. Langlade, « luttent
de leur intelligence et de leur cceur contre les tene-
bres qu'enserrent les lourdes voütes romanes, contre la
froideur des berceaux, contre l'epaisseur massive des
piliers. Le Cloitre (du XF au XIP siecle) serait un des
plus beaux d'Europe. On note l'extreme variete deco-
rative des chapiteaux, la richesse de la corniche et la
grille de la galerie occidentale qui est une merveille de
ferronnerie.

Avant la Vierge brülee sous la Revolution, il y eut
au Puy une statue primitive. Au XIP ou XIIP siecle,
eile fut remplacee par une seconde, devenue universel-
lement celebre: la Vierge Noire. La tradition veut
qu'elle ait ete rapportee d'Orient. Elle en avait le style.
On sait qu'elle etait en bois de cedre, d'une hauteur de
70 centimetres. Apres l'acte sacrilege d'un groupe de
revolutionnaires, une autre image est veneree, c'est aussi
une Vierge noire.

En 1846, le Pere de Ravignan songe au piedestal na-
turel que serait le rocher Corneille pour une statue de
Notre-Dame. Le projet prend corps. On adopta la ma-
quette de Bonnassieux. Une souscription est ouverte et
portee jusqu'aux missions. Les 300.000 eleves des Freres
des ecoles chretiennes offrirent le piedestal en pierre.
Napoleon III promet de donner les canons de Sewastopol
quand ils seront pris. Trois jours apres, la ville etait
entre nos mains. L'empereur fournit 213 canons. La
statue fut coulee ä Givors. Elle mesure 16 metres de
hauteur et 22 metres 70 avec le piedestal. La chevelure
de la Vierge a 7 metres de longueur. Un bras de l'En-
fant-Jesus pese 600 kilos. Ces proportions colossales
loin d'ecraser le rocher, completent heureusement sa
ligne.