Universitätsbibliothek Freiburg i. Br., J 3366,go-1946/48
Le Messager du Rhin: Almanach pour 1947
Colmar, 1947.1946
Seite: 28
(PDF, 24 MB)
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LE MESSAGER DU RHIN

la soiree precedente : l'orgie, la rue deserte, la borne,
le pretre et le bedeau passant, lui-meme se glissant
derriere eux dans l'eglise. Seulement il voyait toutes ces
choses au lointain, comme si des mois et des annees
avaient passe sur sa tete depuis lors. II avait, du reste,
toutes ses facultes, toute sa prcsence d'esprit meme,
car il fit le tour de l'eglise avant de trouver une issue.
Les portes etaient fermees, y compris celle de la sa-
cristie qui resista ä tous ses efforts. II eut vaguement
la crainte de ne plus sortir jamais de ce lieu : d'autant
mieux que la Sensation d'etonnement, qui avait trouble
son ivresse, revenait ä son cervcau sain. II etait bien
sür de n'avoir jamais vu ces blanches coionnades. 11
eüt fait serment que ce n'etait pas lä une eglise de
Paris.

Je vous prie, Mesdames, s'interrompit Mademoiselle
Gay, de vouloir bien observer que Voltaire allait sur
ses trente ans, que l'on etait en pleine regence, et que
le jeune comte de Maillebois se vantait tres sincere-
ment d'etre un esprit fort.

M. de Maillebois n'etait pas poltron; sur le champ
de bataille il avait dejä fait ses preuves, et, quelques
annees plus tard, il devait avoir le commandement de
Royal-Auvergne, le regiment du chevalier d'Assas. II se
sentit neanmoins comme un serrement de cceur dans
cette eglise solitaire. Nous saurons bientöt pourquoi,
dans la carriere militaire, il n'atteignit pas aux memes
fortunes que son aine, M. le Marechal.

II

LA MESSE MUETTE

Au moment oü il revenait ä son confessionnal, apres
avoir fait le tour de l'eglise, il entendit un bruit vague
et indistinct autour de lui. La nuit de la nef se peupla,
pendant qu'un rayon melancolique passant ä travers les
vitraux des hautes fenetres, descendait jusque sur les
dalles. Une blanche procession allait, ä pas silencieux
et lents, du bas de la nef jusqu'au chceur : c'etaient des
religieuses voilees de la tete aux pieds et rangees sur
deux files. Son regard, se portant sur le chceur distin-
gua un homme vetu de noir, qui allumait ä l'aide d'une
perche les cierges de l'autel. En meme temps l'air vibra,
l'orgue rendit un son sourd qui se prolongea longue-
ment dans le silence.

Le premier mouvement de M. de Maillebois fut de
se revolter contre cette fantasmagorie. II se pinca jusqu
'au sang, comme il le dit plus tard lui-meme en ra-
contant l'histoire de cette nuit, afin de voir si par
hasard il ne dormait point encore. Mais son sommeil
n'etait plus, sa raison veillait comme son esprit et son
corps. II eut peur, atrocement peur; il regretta sa borne
et le froid piquant du dehors.

II vit alors la porte de la sacristie, fermee tout ä
l'heure, s'ouvrir soudain ä deux battants. Un pretre de
haute taille parut, portant le calice et la patene, il etait
precede par un enfant de chceur, qui agitait une clo-
chette d'argent, dont le timbre ne produisait aucune
Vibration sous les hauts arceaux. Quand le pretre passa
devant le cierge votif qui brülait dans la chapelle de
la Sainte Vierge, le cierge lanca un vif eclat puis
s'eteignit. Cette derniere lueur tomba sur le visage du

pretre, et M. de Maillebois, frappe de stupeur, se dit
au-dedans de lui-meme : «11 ressemble ä mon pere. »

Le contröleur general Desmaretz, pere de M. de
Maillebois, etait mort depuis deux ans seulement, et
restait en grande veneration dans sa famille.

Le pretre gagna le maitre-autel. La double file de
religieuses prostemees s'allongeait maintenant des deux
cötes du chceur. La messe commenca, messe etrange
qui etait muette et sans repons, bien qu'on vit distinc-
tement remuer les levres de l'officiant et de son ser-
vant. Chaque fois que le pretre tournait le dos a l'autel,
etendant les bras comme s'il eüt prononce le « Dominus
vobiscum », M. le comte de Maillebois detaillait
d'un ceil avide les traits de son visage, et chaque fois
il se disait : « II ressemble ä mon pere. »

II n'avait plus peur, parce que les sentiments se
succedaient en lui sans transition, comme il arrive dans
les reves.

La messe durait dejä depuis plus longtemps qu'une
messe chantee lorsqu'il s'apercut tout ä coup que c'etait
une messe mortuaire. La chasuble du celebrant avait la
croix blanche sur fond noir, une tete de mort pendait
ä chaque cierge, et, dans le haut de la nef, en dehors
de la grille du chceur, un catafalque etait dresse entre
quatre flambeaux.

M. le comte de Maillebois, toujours comme dans les
reves, trouva cela tout simple et ne s'etonna point de
ne l'avoir pas vu plus tot. Apres l'Evangile, le pretre
vint sur le devant de l'autel. Les religieuses se leverent,
puis s'assirent, sans produire aucun bruit, et le pretre,
les bras croises sur la poitrine, parla pendant plusieurs
minutes, prononcant peut-etre l'oraison funebre du de-
funt. Je dis « parla », car il n'y a point de mot pour
exprimer le vain mouvement des levres d'oü ne sort
aucun son.

Le pretre se tut, c'est-ä-dire que ses levres devinrent
immobiles. Les religieuses voilees quitterent leur siege
pour s'agenouiller de nouveau. L'office continua, silencieux
et lent.

M. de Maillebois se sentit pris d'un desir immodere,
irresistible, de voir le visage du mort qui etait dans
cette biere. II s'approcha, ses pas ne sonnaient pas sur
les dalles, et, en meme temps qu'il s'approchait, le catafalque
semblait venir vers lui avec ses quatre cierges.
De teile sorte qu'il se trouva pres du cercueil, et loin,
tres loin de l'autel oü etait le pretre, entoure de ses
religieuses immobiles.

II porta la main au couvercle du cercueil et le sou-
leva sans efforts. La lumiere des quatre cierges eclai-
rait l'interieur. M. de Maillebois se pencha, car la biere
etait profonde, et, selon son expression, il vit le mort,
comme on se voit soi-meme quand on s'incline sur le
bord d'un puits. Et la comparaison est exacte en tous
points, attendu qu'il se vit en effet lui-meme. Le mort
avait sa propre image, et portait au front la legere ci-
catrice, trace d'une blessure qu'il avait recue de M. de
Nangis ä son premier duel.

Le mort etait lui-meme!

C'etait lui-meme qui etait mort!

II laissa retomber le couvercle dont le choc n'eveilla
aucun echo dans cette muette atmosphere. II n'etait


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