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LE MESSAGER DU RHIN

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COUP D'CEIL SUR LA VIE POLITIQUE

Le chroniqueur n'est pas embar-
rasse pour le choix des sujets. Notre
temps est rempli des evenements les
plus multiples et les plus varies,
mais rarement agreables. Nous vi-
vons dans une «epoque historique».
Bien sür, mais un ami m'a dit re-
cemment: «En fait d'histoire je suis
suffisamment pourvu pour tou-
te ma vie » (et il n'a pas quaranta
ans!), et le dicton n'a
jamais ete plus vrai : « Les
peuples heureux n'ont pas d'histoire
. » Alors?

La guerre est terminee. La
guerre contre les peuples fas-
cistes, entendons-nous. La guerre
tout court aussi? On en
parle trop tous les jours. Les
gens dans la rue s'inquietent,
les journaux donnent les avis
les plus contraires et la conso-
lation supreme : il y a lieu en-
core de ne pas perdre tout es-
poir . . . Les chefs des Etats se
font interviewer et assurent que
toutes les questions peuvent
etre reglees, mais . . . n'avons-
nous pas entendu pareilles phra-
ses ä d'autres moments deja?
En 1938, 1939?

Hitler et son regime sont
aneantis. Les chefs nazis ont
ete, en grande partie, apres un
proces monstre interminable,
condamnes ä Nuremberg com-
me criminels de guerre et exe-
cutes. Mais est-ce que l'esprit
nazi est mort, l'esprit de dictature,
de haine, de violence, de mepris de
l'homme, de la personnalite hu-
maine, de la dignite humaine?

Les Conferences de la paix ont
commence. Conferences des Na-
tions Unies, des ministres des Affaires
etrangeres. A Paris, ä Londres,
en Amerique, peu importe. Que de
problemes et de questions epineu-
ses, que de lenteurs, de discussions
ardues et penibles et que de Solutions
insuffisantes! Nous n'avons
guere vu la colombe de la paix,
blanche et innocente, s'installer
chez nous au cours de l'annee 1946.
Au contraire, ce qui apparait de

plus en plus clairement aux yeux
de tous, c'est la formation de deux
grands blocs rivaux et dont les in-
terets s'opposent : d'un cöte le bloc
anglo-americain, de Lautre le bloc
tusse. D'un cöte une puissance industrielle
et financiere formidable
en possession de biens et de res-

General DE GAULLE

sources tres grandes et de la bombe
atomique, de Lautre la Russie
sovietique, un reservoir d'hommes
et de forces egalement immenses,
poussant vers I'Ouest, vers la vieil-
le Europe, et desireuse d'imposer
son Systeme social et economique.
Lequel .de ces blocs se sent menace
de Lautre? Lequel veut imposer son
imperialisme ä Lautre? Mais pour-
quoi, se demande le Francais moyen,
faut-il cette rivalite? Pourquoi ris-
quer une nouvelle guerre? La troi-
sieme guerre mondiale. Nous som-
mes cependant devenus assez intel-
iigents pour savoir qu'aucune guerre
n'est profitable. Les blessures de

celle de 1914—18 ne sont pas en-
core gueries. Et la deuxieme a cause
tant de victimes et de destruc-
tions! Le monde en est encore tout
haletant, des millions de morts sont
a plaindre, des millions d'autres
hommes sont dans la misere la plus
terrible, sans gite, sans pain, tous
affreusement pauvres, souf-
frants, malheureux. On estime
qu'il y a trente milliers d'en-
fants sous-alimentes. On voit
leurs grands yeux anxieux et
tristes, des yeux de chiens
battus. Et on parle d'une nouvelle
guerre.' II y a des millions
de mutiles, de malades,
de jeunes voues precocement
ä la mort. Est-ce que le monde
est donc devenu fou? On
aurait d'autres soucis que de
faire des experiences de la
bombe atomique, de preparer
des V 2, V 3 et autres engins
de plus en plus terribles, d'une
force de destruction et de mort
insoupconnee. Pourquoi les
deux blocs rivaux ne peuvent-
ils pas s'entendre? Est-ce tel-
lement difficile de repartir le
pain quotidien equitablement?
Au lieu de se menacer mutuel-
lement, ne peut-on pas organi-
ser la paix? Mais vraiment,
avec bonne volonte. Avec un
desir sincere, un desir absolu.
Car, si on ne realise pas la
paix, ne nous le cachons pas,
nous irons vers une catastrophe,
comme le monde n'en a jamais vu.
Une catastrophe vis-ä-vis de la-
quelle les deux guerres mondiales
si terribles et meurtrieres n'auront
ete qu'un innocent jeu d'enfantsf—
Ayons confiance cependant que le
bon sens et non pas l'esprit de do-
mination et de violence guidera les
chefs des Etats et des peuples et que
la paix s'installera quand meme, un
peu timide et gauche au debut, mais
de plus en plus solide dans la suite.
Croyons encore ä la parole du President
Trumann qui au debut de
l'annee avait proclame au monde
que tous les problemes pouvaient