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LE MESSAGER DU RHIN

Legende des Ardennes

anaiiie

t ie J.f

tacjan aile

iL

par G. de TAURINES

II y avait autrefois ä Mezieres im eure maigre et
treize chanoines gras. Le eure etait maigre parce
que, ayant ä assurer ä lui seul le service de toute la
paroisse, il etait accable de besogne. Les chanoines
etaient gras, parce que, ayant ete gr'atifies dans les
anciens temps, par le puissant comte de Rethel
Manasses, de riches revenus et d'une belle eglise,
la Collegiale de Saint-Pierre sur la place du cha-
teau, ils avaient, en dehors de la celebration des Offices
et de la recitation du breviaire, peu de chose
ä faire.

L'occupation qui les absorbait le plus etait la
culture des beaux jardins possedes par chacun
d'eux au pied du chäteau et qui s'etendaient jus-
qu'au mur exterieur de la ville.

Un des plus renommes d'entre eux, ä cause de sa
grande science, etait M. le ch'anoine Cleophas. Un
jour que, assis en son jardin sur un bon fauteuil
d'osier, les mains croisees sur la large ceinture, il
regardait becher son jardinier, il apercut soudain,
sautillant d'une belle motte de terre bien grasse
que venait de retourner la beche, un petit, tout
petit ver, un ver si petit que 1'ceil avait peine ä le
distinguer et que ses fretillements seuls le faisaient
remarquer.

— Qu'il est petit! dit le chanoine en riant et en
mettant ses lunettes pour le mieux examiner;
jamais encore, en toute ma vie scientifique, je
n'avais observe de ver aussi minuscule. II ressem-
ble, ma foi, ä cet imperceptible parasite qui parfois
se cache sous la peau de l'homme, et que nous
autres savants nommons le « draconcule » ou dra-
gon-nain. Une idee! continua-t-il en se frappant le
front, je serais vraiment curieux de voir si, par les
soins assidus, eclaires, conformes aux donnees les
plus recentes de la science erpetologique sur la nu-
trition de ces etres inferieurs et apodes que, d'apres
le terme grec « ereptos », nous nommons des rep-
tiles, ce vermisseau serait susceptible de develop-
pement, de croissance et d'evolution.

Dans un petit cornet de papier, le savant
M. Cleophas deposa avec precaution son futur ele-
ve sur une pincee de terre et l'apporta en sa mai-
son. La, il le placa delicatement au fond d'un de ä
coudre que, sur sa demande, lui apporta en grom-
melant dame Ursule, sa vieille menagere.

— Encore une de ces manies que vous appelez
vos experiences scientifiques, dit la brave dame.
Sous ce pretexte, vous nous amenez ici un tas de
choses malpropres. Ce ver va vous attirer de la
vermine, et ca fera tourner mes sauces. Ah! la
science! Croyez-en ma vieille jugeotte, Monsieur le
chanoine, une bonne cuisine vaudrait mieux pour
vous.

Laissant parier dame Ursule, le savant M. Cleophas
s'appliqua ä mettre en equilibre entre quatre
morceaux de pain le berceau de son nourrisson, sur
le buffet de sa salle ä manger.

— Pour l'honneur de la science, se disait-il, il
convenait de mener cette experience avec metho-
de; quelle nourriture est la plus rationnelle pour
un ver de cette espece et de cette taille?

Un joli petit fetu de paille, pris sur le furnier et
tout imbibe du suc bienfaisant du purin, lequel
contient, on le sait, tant de matieres propres ä la
nutrition, lui parut tout ä fait indique. Avec une
pince, de crainte de se salir les doigts il en deposa
donc une parcelle dans le de ä coudre.

Le lendemain, le fetu de paille avait disparu et
dejä le ver avait un peu grossi.

— C'est merveilleux. s'ecria M. Cleophas, eom-
me il profite! J'ai eu vraiment la main heureuse et
choisi lä un excellent sujet; il me vaudra bien sa-
tisfaction chez moi et bien de l'honneur parmi mes
savants confreres.

Pendant plusieurs jours il renouvela le fetu de
paille et chaque fois le ver devenait plus gros; si
bien qu'au bout d'une semaine sa tete arrivait au
bord du de ä coudre, devenu un trop etroit logis.
Dans son armoire ä vaisselle le savant chercha un
berceau plus grand.

— Voilä mon affaire! dit-il en prenant un co-
quetier; lä mon eleve aura largement la place d'e-
voluer ä son aise.

Sur une couche de terre renouvelee et un peu
plus abondante, il installa le gentil animal, dont les
mouvements entortilles commencaient ä devenir
tres gracieux. De ce jour la Provision quotidienne
de nourriture fut augmentee et les progres de la
bestiole en taille, poids et beaute, s'en trouverent
augmentes d'autant. Le coquetier ä son tour devint
trop petit.

— Cher pupille! s'ecria le savant avec tendresse,
je vais te loger et te nourrir mieux encore.

Dans son armoire il choisit un beau grand verre
de cristal et y installa son ver de terre, qui com-
mencait veritablement ä faire bonne figure. Avec
beaueoup de gräce, d'agilite et de souplesse il met-
tait en mouvement ses multiples anneaux pour faire
le tour de son nouveau domaine.

— Qu'est-ce que je vais lui donner ä manger
maintenant? se demanda M. Cleophas; de la vian-
de? peut-etre. Mais vu son jeune äge et sa delica-
tesse une viande tres legere.

II se mit donc ä attraper des mouches que le
nourrisson devora avec un appetit grandissant.
Bientöt le verre ä boire devenant trop petit, il fal-
lut prendre une bouteille ä large goulot. Demeure


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