http://dl.ub.uni-freiburg.de/diglit/messager_rhin_1948/0042
36
LE MESSAGER DU RHIN
Fcnetrange
Celui-ci etait teriu de rendre compte ä son
Eveque de la bonne marche de la cite : il redigeait,
chaque mois, sur parchemin, un rapport detaille
sur les principales activites du bourg : commerce,
recoltes, incidents de police ou autre : enfin tous
les secrets de la cite etaient consignes dans ce
compte-rendu. De plus, ä l'epoque des moissons,
on offrait ä l'Eveque les plus beaux fruits et les
plus beaux epis recoltes.
Or, ä la fin de l'automne de cette annee (vers
163 5) Henri III fit savoir au doyen de Hombourg,
par courrier extraordinaire, que la diligence en-
voyee ä Metz dans le courant du mois de septem-
bre, avait ete pillee par les Suedois...
« Le soldat Urbain, porteur de ce message, a, lui
seul, echappe ä la fureur de ces barbares. Je ne sais
ce qu'ils ont fait du cocher du chanoine Adalbert,
et du compagnon d'armes d'Urbain.
Les Suedois pourraient bien venir de votre cöte,
ils connaissent le montant exaet de vos recoltes...
Prenez donc vos dispositions en vue d'une attaque
eventuelle. Envoyez-moi des nouvelles. Je veillerai
ä ce que de l'aide vous soit envoyee. Je prie Dieu
pour vous et vous benis. » Ainsi parlait le seigneur
Henri III.
Philippe d'Urgel sourit en lisant ce message :
« Iis peuvent venir les Suedois, pensa-t-il, ils se
casseront le nez sur nos remparts. » Neanmoins, il
fit reunir le Chapitre, decida la mise immediate de
la forteresse sur le pied de guerre.
III
Lorsque Wub-le-bossu, precede de son troupeau,
prit, ce jour-lä, l'unique chemin qui donne acces ä
la citadelle, il entendit, ä la hauteur du premier des
quatorze saints-protecteurs qui s'echelonnent tout
au long du sentier, une rumeur inaecoutumee.
« Que se passe-t-il? demanda-
t-il aux deux gardes qu'il trouva
postes pres de la porte voütee.
— Ordre du Chapitre de ne
laisser penetrer aueun etranger.
On se prepare ä defendre nos
remparts, les Suedois nous me-
nacent; n'as-tu pas entendu sonner
l'alarme? »
Sans plus attendre, Wub s'etait
elance, depassant ses betes qui
s'affolerent... Tous les Hombour-
geois etaient ä l'ceuvre : tandis
que les soldats mettaient leurs
bombardes en position, les pay-
sans transportaient de gros moel-
lons pres des remparts. Wub alors
pensa : « Moi aussi, je dois etre
utile ä la cite, que puis-je faire? »
Soudain le crieur public s'avan-
ca, tambour battant, de la porte
du chäteau vers le milieu de la
place :
« Le Seigneur d'Urgel, annonca-
-t-il, vous recommande le plus
grand calme. II demande un volontaire pour une
mission delicate-. »
Aussi vite que son infirmite le lui permit, Wub
courut s'offrir au doyen. Trois jeunes gens l'avaient
precede, et Wub desesperait dejä d'etre choisi,
quand, soudain, le chanoine Estius, consciller parti-
culier de Philippe, dont le regard n'etait pas exempt
de malice, designa de sa tete le bossu ä son maitre.
— La decision du Doyen fut spontanee :
« Approche, Wub, dit-il aussitöt, tu connais tres
bien la contree, n'est-ce pas?
— Parfaitement jusqu'ä Saint-Avold, Monsei-
gneur.
— Cest donc toi qu'il me faut. Quand ä vous,
mes amis, nous aurons besoin de vos bras plus
tard... »
Les jours suivants personne ne revit le bossu, et
chacun expliquait ä sa maniere sa bizarre dispari-
tion.
Pendant ce temps, les prepafatifs de defense se
terminaient. L'ardeur des Hombourgeois commen-
cait meme ä baisser, car on ne croyait plus beau-
coup aux Suedois.
IV
Quatre jours s'etaient passes. Le petit pätre
n'avait toujours pas reapparu. Au monastere la pe-
tite cloche sonnait matines, et nos defenseurs dor-
maient comme de braves Tarasconnais, quand, soudain
, tout ce qui ä Hombourg pouvait servir ä don-
ner l'alarme se mit ä resonner avec un vacarme sus-
ceptible de faire bondir le plus avine des domes-
tiques.
Tous les volets furent pousses d'un meme elan :
dehors il faisait encore tres sombre. Sous leur bon-
net de nuit, nos paysans n'apercurent que la lueur
des torches et le miroitement des armures des
soldats.
http://dl.ub.uni-freiburg.de/diglit/messager_rhin_1948/0042