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http://dl.ub.uni-freiburg.de/diglit/messager_rhin_1948/0056
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LE MESSAGER DU RHIN

— Cr2L n'a pas de bien.

— J'en ai bien pour deux...

— Ca a dejä roule partout!

— A savoir si c'est vrai... et puis ce que les gens
racontent, je m'en moque...

— Non! mais ca n'a pas de religion. La mere ne
fait pas les Päques! C'est tout ce qu'il y a de plus
rien dans la commune! Toi, un Humbert, marier
ca? Mais tu n'as plus le sens commun. Amene-moi
n'importe laquelle du village. Qu'elle soit pauvre,
ca m'est egal, mais ramasser ca, cette roulure, chez
moi?... jamais! »

Julien se leve.
« Eh bien moi... »

Mais dejä le pere Humbert est debout de toute
sa grandeur. II domine son fils. II l'interrompt :
« Eh bien, dis...! »

Le jeune homme pälit et sort sans rien dire. Le
pere Humbert, tremblant de colere contenue, se
rassoit, et la femme qui avait arrete de battre son
beurre pousse un soupir :

« Oh Dieu, ces jeunes... »

Les jours qui suivent, le pere et le fils se
boudent. Pas un mot du matin au soir. La mere
pleure. Le fils s'entete. Dimanche, il le lui a
promis :

« Louise, ils n'y pourront rien! Tu seras ma femme
. Pas d'autre. Encore un an et je serai majeur!
On attendra. »

Le pere a grisaille un peu plus ces jours derniers.
Un soir il se decide. II va trouver le eure.

«Monsieur le eure, aidez-moi! II vous ecoutera
peut-etre, vous? Vous l'avez eu au catechisme. II
vous a toujours beaueoup aime.

— Vous savez, pere Humbert, quand l'amour
prend, il est dur de le faire lächer. Surtout chez des
jeunes... En effet, cette fille n'est rien pour votre
fils. Patientez! Faites-le attendre! Peut-etre verra-
t-il clair. Demandez-lui de laisser cela jusqu'ä la
fin de la guerre. Ne le brusquez pas. Exigez seule-
ment qu'il n'aille pas plus avec eile qu'avec une
autre. Qu'il donne sa parole?... Intervenir chez
eile? Inutile. Elle a pris un beau poisson, eile ne le
lächera pas. A moins que ca traine trop...? Car eile
n'est pas patiente en amour. Prenez garde qu'il ne
soit jamais seul avec eile... J'essayerai de demander
aux camarades d'y veiller. Mais seul le temps peut
faire quelque chose. Car eile n'est pas patiente, la
mätine!... Elle a cela dans le sang. Et puis, pere
Humbert, il y a encore la priere. Priez pour votre
fils. J'y penserai aussi, je vous le promets. »

Le pere Humbert se voüte. Le fils ne chantonne
plus, ne siffle plus. II garde un air dur et renferme.
Lutte tragique de son cceur dechire entre son pere
et son amour. Le village est aux aguets. Qui 1'empörtem
? Le pere ou la « Baiesse »? Ah! il n'est plus
si fier le pere Humbert. La garce! C'est qu'elle le
tient. Comme eile parle de «mon Julien»! Elle sait
bien pourquoi, avec le bien qu'il a! Et un beau
gars par-dessus le marche. Faut etre fou! Ah, ces
jeunes!...

Mais, en meme temps, des bruits toujours plus
persistants circulaient. En Lorraine on avait ramas-

se les jeunes gens jusqu'ä vingt et un ans pour les
enroler de force dans les SS. II y aurait bientöt
mobilisation des jeunes classes. Dejä, avec force
affiches et propagande, on demandait des volontai-
res pour la Wehrmacht. Un jour on apprend que le
Justin Didio est parti. De meme le Jean Strasbach
et le Jean Lendenperg. Dans tous les villages Fexo-
de des jeunes commence. A St-Blaise, sept; ä
Plaine, treize; ä Saulxures, dix-huit...

LIn soir, c'etait un dimanche, le Cure s'amene
chez le pere Humbert. II le trouve, comme il s'y
attendait, seul chez lui. La femme etait au « Lour »,
ä la veillee, chez les voisins. Le fils etait au Baä,
restaurant isole, comme tous les dimanches, avec
ses camarades.

«Vous boirez bien un petit verre, Monsieur le
Cure?

— A la votre! Alors ca continue?...

— Oui, plus enrage que jamais. Je ne lui en
parle plus! Cela fait des scenes. Et la mere ne fait
que pleurer. Rien ä faire! Et pourtant, je ne veux
pas cette ordure chez moi.

— Dites, Humbert, pourquoi ne laissez-vous pas
partir votre fils? Voilä le Didio, le Strasbach, le
Lendenperg, le Leboube. le Bossong, tous de son
äge, qui sont partis. Qu'est-ce qu'il fait encore ici?
Vous voulez qu'il devienne soldat boche? Et puis,
loin des yeux, loin du cceur! Peut-etre qu'il
Foubliera. Sinon lui, du moins eile! Faites-le partir.

— Vous n'y pensez pas, Monsieur le Cure! Je
resterais tout seul avec huit pieces de betes ä
l'ecurie?

— Vous les vendrez! Pourquoi tenir tant? Pour
que les Boches vous en prennent encore! Laissez-
le partir; ca lui changera les idees. (^a ne durcra
pas si longtemps, leur guerre. Iis ne gagneront pas,
je vous dis, ils ne peuvent pas gagner. Car ils ont
declare la guerre meme au Bon Dieu.

— On verra, Monsieur le Cure, on verra... et
puis, est-ce qu'il voudra...? »

Vers onze heures le fils rentre. II a les yeux lui-
sants. II est tout enerve. Le pere le devine : ils se
sont vus. Eh oui, dans un profond baiser, ils se sont
encore jure Fun ä Lautre : « Quand je serai majeur,
je passerai outre. Bientöt. Encore cinq mois. »

Le fils s'assied derriere la petite table. II est tout
surpris de trouver encore le pere debout. Silen-
cieux, il roule une cigarette. Le pere parle le premier.

« Dis Julien, qu'est-ce que tu veux faire. Tu ne
veux pas partir? »

Partir?... quitter sa bien-aimee, ä laquelle il y
a une demi-heure il faisait les plus douces promes-
ses? Partir?... pour combien de temps?... six mois,
un an... peut-etre plus...! Dans un inconnu hostile?
Partir?... faire comme les autres?... comme Donat?
Justin? Pierre?... II y pensait. II avait honte de rester
. Mais il ne pouvait pas laisser le pere seul...
Le pere?... Etait-ce lui ou sa Louise qui le retenait
ici... au risque de porter un jour Funiforme de la
Wehrmacht? D'ailleurs, le pere... il lui proposait de
partir! Ah oui! Je le vois venir! Pour que je Foublie!
Non! Non et non! Quand je reviendrai, je la ma-
rierai. Justement, il aura vu comme eile sait etre


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