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http://dl.ub.uni-freiburg.de/diglit/messager_rhin_1948/0061
LE MESSAGER DU RHIN

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— Ff axA-S I oon_cCen. -

Et, de meme qu'elle

avait su s'imposer a

moi, eile devait peu

apres en imposer ä

tout le hameau. En

effet le jeudi matin,

comme ä l'accoutu-

mee, eile se preparait

pour aller au marche

de Säle. Le temps

etant incertain eile

cut soin de placer son

parapluie parmi les

paniers de sa charret-

te sous un gros sac

de toile. Un vaga-

bond, qui s'appretait

ä demander l'aumo-

ne, fut accable d'un

flot de paroles; il s'e-

loigna en lancant ä la

vieille femme un re-

gard charge de ran-

cune.

C'est qu'il arrivait

parfois que des gens

de son espece cher-

chaient fortune dans

les chemins solitaires

et dans les villages situes ä l'ecart, des gens qui

venaient de loin sur la grand'route, des gens sans

aveu, prets ä tout, sauf au travail, et qu'un mau-

vais coup tentait d'autant plus en ces regions que
la frontiere etait proche.

Mais ma tante ne se preoccupa pas autrement du
bonhomme; eile prit bientöt la route pour Bäle. De
son pas male et regulier eile passa par le chemin
creux, puis par Blotzheim, Hesingue, Bourgfelden et
ne manqua pas de saluer respectueusement la Vier-
ge du Spalentor, ä l'entree delaville, se conformant
en cela ä un vieux rite des paysans du Sundgau.

A midi ses paniers etaient vides et sa bourse gar-
nie; pour rentrer eile prit le chemin de Saint-Louis,
oü eile avait ä son tour des achats ä faire. Une pa-
rente eloignee, rencontree par hasard en ce heu, la
retarda dans l'emploi de son temps. Quand eile
arriva ä Blotzheim, eile eut ä rendre visite ä une
cousine malade. Elle y but un verre de « schnaps »
et s'y attarda encore « plus que de raison », comme
eile disait. C'est qu'elle etait mise en bonne humeur
autant par la pensee, discretement presente, de la
bourse pleine, que par le diablotin du petit verre.

Le jour declinait quand eile se mit en route pour
la derniere etape. Les cheminees fumaient; les la-
boureurs etaient rentres des champs. Un retarda-
daire, qu'elle croisa dans la montee vers le chemin
creux, lui demanda, en maniere de plaisanterie, si
eile ne craignait pas ä cette heure tardive Tun ou
Lautre galant evince; qui lui barrerait la route.
Sans s'arreter eile repliqua que ceux-lä etaient
morts depuis longtemps. Le paysan rit d'un air
amuse et elle-meme continua ä pousser allegrement
sa charrette vers le haut de la cöte.

Les paroles du villageois avaient du cependant
reveiller quelque lointain echo dans son äme : cer-
tes, eile aussi aurait pu trouver un mari, pensa-t-
elle. II y avait eu le Joseph, decede l'an dernier.
Mais si eile l'avait epouse, qu'aurait-elle eu de plus
que ce qu'elle avait? Elle pousserait la charrette, tout
comme eile la poussait maintenant. Et puis, c'etait
notoire, Joseph avait ete un homme brutal, un autoritäre
, et sa femme n'avait pas eu beaucoup de
bonheur avec lui. II est vrai que c'etait une femme
bien molle, une femme qui- ne savait pas vouloir;
et toujours malade... Si eile, Odile, avait epouse
Joseph... « ...eh! mais je l'aurais gueri de sa bru-
talite; il ne faut pas se laisser faire. Les hommes,
c'est de grands enfants qu'il faut mener rudement;
il n'y a que cela qu'ils comprennent... »

Tout en songeant ainsi, eile etait arrivee au mi-
lieu du chemin creux. Mais ä cet instant eile fut
brutalement arrachee ä ses pensees, qui l'avaient
cependant mise dans de bonnes dispositions d'esprit
pour affronter l'aventure qui la surprit alors.

Elle sentit brusquement quelqu'un stoppant sa
charrette, leva les yeux et vit se dresser devant eile
un homme masque, qui d'un air menacant brandis-
sait un coutelas brillant; sa main gauche serrait la
latte de devant de la voiturette. Puis eile entendit,
prononcees sur un ton sifflant, les paroles rituelles
des detrousseurs : « La bourse ou la vie! »

Decontenancee au premier abord, surprise par
l'emotion brusque, la vieille femme percut nean-
moins un tremblement dans la voix de l'homme.
Cela contribua ä lui rendre du cceur et, maitrisant
ses nerfs, eile sentit le dernier reste d'angoisse se
muer brusquement en une colere froide et decidee.


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