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http://dl.ub.uni-freiburg.de/diglit/messager_rhin_1948/0063
LE MESSAGER DU RHIN

57

A

LA RUE yyDJACENTE

e pere Durassier fait les courses pour le
compte d'un chapelier. Un chapelier qui ne
travaille que pour les dames, s'il vous plait, et qui
en tire vanite, attendu que, soucieux de coiffer les
belles comme le couturier s'ingenie ä les habiller, il
s'assimile ä ce dernier et pense l'emporter sur les
modistes de profession comme le couturier remporte
sur les couturieres. Et quelle que soit la di-
mension des chapeaux qu'il livre ä ses clients, il
les met dans un grand carton. Si le chapeau est
petit, il le bourre d'un papier de soie dans lequel
la coiffure vient se blottir comme dans un nid de
neige; s'il est grand il occupe tout le cylindre avec
une majeste digne de lui.

Seul le pere Durassier ne partage pas cette facon
d'agir. Dame! Que le chapeau soit petit, que le
chapeau soit grand, il n'en est jamais une fois plus
que l'autre alourdi, mais il se promene dans Paris
avec des bras encombres de teile facon qu'il essuie
les quolibets de tous les gens qu'il gene, derange,
effraye et bouscule. Derriere sa pile impression-
nante de cartons blancs, il passe un bout de nez
pour suivre son chemin, comme s'il se cachait derriere
une colonne ambulante. II en profite pour
bougonner ä longueur de journee.

Cet aprcs-midi justement le patron lui confie
une livraison d'importance :

— Durassier?

— Via, M'sieur!

— Vous irez me porter ces quatre chapeaux...

— Quatre?

— Eh bien, oui, quatre! Vous allez tout de meme
pas me dire qu'ils vous ecraseront.

— C'est pas cä; c'est qu'ca fait du volume dans
les rues. Alors, vous comprenez, les gens y rous-
petent. Souvent aussi, j'm'dis comm' ca que si on
mettait les p'tits chapeaux dans des p'tits etuis, ca
gagnerait de la place perdue et pis ca economiserait
de la marchandise...

— Durassier! Quand vous serez directeur de la
maison, ä sa saint glinglin, vous ferez comme vous
l'entendrez. Pour aujourd'hui, vous voyez ces quatre
chapeaux, allez les livrer!

— Oh! moi, vous savez, c'que j'en dis...

— (J^a suffit!

— Bon, bon! On va les livrer. Et ousqu'il faut
aller?

— Vous avez les adresses sur chaque carton. Ah!
tout de meme sur ce dernier eile n'y est pas. C'est
une diente nouvelle mais eile habite tout pres de
Madame Barbier oü vous faites votre avant-
derniere livraison. La vendeuse a bien pris son
nom, eile a oublie de prendre aussi son adresse,
eile sait cependant que c'est la premiere maison,
ä droite, dans la rue adjacente. Vous comprenez?

— Oh! tres bien!

Le pere Durassier ajusta ses courroies et partit
avec sa pile de cartons ronds.

II fut comme de coutume houspille par quelques
loustics qui avaient la langue preste, mais, comme
la sienne ne tenait pas ä rester en retard, il leur
repondait savamment de derriere son rempart et
riait de ses reparties. Entre temps, il livrait aussi
ses chapeaux. Parce qu'il est bien permis de s'amu-
ser un peu en chemin, mais le travail est le travail,
et, sur ce chapitre, le pere Durassier ne barguignait
pas. II n'y a que le dernier chapeau sur lequel il
etait un peu inquiet.

Cette rue adjacente, quel dröle de nom tout de
meme! II se piquait de connaitre son Paris, mais
cette rue-lä, oh! non jamais, jamais, il n'en avait
entendu parier. Ce devait etre une des rues nou-
velles qui vous ont toutes des noms etrangers, ou
encore une farce des gens de l'Hotel de Ville qui
s'amusent a debaptiser les rues. De cette facon, on
ne peut plus s'y reconnaitre. Mais si ca continue, il
se plaindrait, il se plaindrait ä son conseiller muni-
cipal.

Tout en suivant le cours de ses meditations, il
nvait livre l'avant-dernier chapeau, celui de Madame
Barbier, et il cherchait la rue adjacente. II
la cherchait avec une humeur d'autant plus aigrie
que le dernier pourboire avait ete maigre. II allait,
la tete en avant, l'air de foncer sur un obstacle,
et quand le dernier carton brinquebalant ä ses
doigts heurtait un passant peu facile ou une pas-
sante pressee, il commencait ä prendre tres m?l les


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