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LE MESSAGER DU RHIN
59
Un complot en Calijomie
par Leon LAMBRY
Mary Puck, la fille du milliardaire, etait depuis
peu avec son pere ä Los Angeles. Elle sortait sou-
vent en compagnie de sa gouvernante et se plaisait
ä faire ä pied de longues promenades. Cette fillette
avait environ quatorze ans et ne manifestait aucun
orgueil de sa brillante Situation. Son pere etait un
modeste qui devait ä son travail opiniätre une for-
tune dont il faisait un judicieux emploi, ce qui ne
l'empechait pas de susciter des envieux.
Au nombre de ceux-ci se trouvait Sancho Marfil.
C'etait un gaillard robuste qui pouvait avoir
vingt-cinq ans et qui commandait ä une bände de
jeunes droles dont les mefaits ne se comptaient
plus. Son audace lui avait permis de realiser un
certain nombre d'attaques sans jamais laisser aucun
des siens entre les mains de la police; c'est pour-
quoi, confiant dans son habilete, il resolut de ten-
ter un coup de maitre.
II s'agissait simplement d'extorquer ä Vivian
Puck deux cent mille dollars. Pour s'emparer de
cette somme, Marfil ne voulait rien laisser au ha-
sard, et, son plan bien muri, il reunit ses compa-
gnons au restaurant Dingy, situe dans un quartier
desert.
II y avait peu de personnes attablees lorsque
Sancho arriva avec deux amis.
Le bandit jeta sur les clients un rapide coup
d'ceil et parut satisfait; la plupart lui etaient con-
nus; deux d'entre eux seulement lui etaient etran-
gers, mais rien dans leurs manieres ou dans leur
mise ne pouvait preter au moindre soupcon.
C'etait, ä coup sür, des gens d'une condition modeste
, des ouvriers du port probablement. Iis dis-
cutaient avec tant d'animation qu'ils ne tournerent
meme pas la tete lorsque Sancho entra.
— Je te dis, clamait Tun en frappant sur la table,
que si l'on augmente pas la paye, je m'en vais!...
— Tu t'en vas?... Oü cä? repondit Lautre en do-
delinant de la tete de Lair d'un homme qui a bien
mange et un peu trop bu.
— Bonjour, Messieurs! fit Sancho ä tout hasard
en passant pres d'eux.
— Bonjour! repondit le premier sans quitter son
explication; tandis que le second, les yeux au pla-
fond, continuait ä remuer la tete.
— Voilä un gaillard qui n'a plus soif! songea
Marfil, et il alla s'attabler plus loin.
Le repas commenca. Sancho, se penchant vers
ses deux acolytes, developpa son plan ä voix basse.
— II s'agit, dit-il, d'un enlevement. II y a par
consequent quelques risques ä courir, mais, si le
coup reussit (et il n'y a aucune raison pour qu'il
ne reussisse pas), nous serons riches!
— Qu'entends-tu par riches?
— Deux cent mille dollars... ä partager entre
nous trois!
— A partager... egalement?
— Tu n'y penses pas! C'est moi qui ait concu
le plan, c'est moi qui conduirai l'auto et qui pose-
rai les conditions! En un mot je joue le principal
role et je cours les plus grands risques! II est donc
assez logique que je garde une part entiere.
— Qu'appelles-tu part entiere?
— Cent mille dollars!
— Eh bien, mon eher, tu n'as pas peur! Que
nous restera-t-il alors?
— Comment, ce qu'il vous restera? Cinquante
mille dollars ä chacun! Si cela ne te suffit pas, tu
n'as qu'ä le dire, Juan, je proposerai l'affaire ä Alfonse
.'
— C'est bon!... Developpe ton plan, si toutefois
Martino aeeepte la combinaison?
— Oui, j'aeeepte, dit Martino.
A ce moment, le garcon apporta un plat et la
conversation cessa.
— Alors, questionna Juan quand il fut parti.
— Alors... voilä! fit Juan en regardant autour
de lui, puis, baissant encore le ton, il reprit: Un
jour... que je vous indiquerai en temps utile, nous
arriverons en auto au moment oü Mary Puck re-
viendra de la promenade avec sa gouvernante. Je
serai au volant. Martino et toi, vous descendrez, et
en un tournemain, vous enleverez Lenfant. Vous la
jetterez dans la voiture et nous filerons ä toute
allure.
— Oü cela?
— Vers les montagnes oü j'ai une cachette.
— Et... Qu'est-ce que nous ferons de notre co-
lis?... Je veux dire de Mary Puck?
— Doucement!... C'est un colis precieux sur le-
quel il faudra veiller avec grand soin.
— Sans doute!
— Je demande donc qu'il ne lui soit fait aucun
mal, et meme que l'on ait pour eile les plus grands
egards.
— L'enlever en un tournemain, sans la bouscu-
ler, ce n'est pas commode!
— Qui te parle de cela? J'admets que Venlevement
soit legerement brutal, mais, sitot l'oiseau en
cagc, — c'est-ä-dire des que la prisonniere Sera
dans l'auto, — vous serez pour eile pleins de pre-
venances, et vous l'assurerez qu'il ne lui sera fait
aucun mal.
— Tu crois que cette assurance suffira pour que
son pere nous verse deux cent mille dollars?
— Non. Mais la petite sera plus disposee ä lui
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