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LE MESSAGER DU RHIN
Celui-ci, en le voyant, ne cacha pas sa satisfac-
tion et Pedro fut gratifie d'une tape sur l'epaule
qui en disait plus long que des paroles.
— Deliez cet homme, fit le detective, et laissez-
moi avec lui.
Juan, stupefait, se frotta les yeux comme au sor-
tir d'un reve. Rodriguez le regarda, cherchant ä
dechiffrer ce qui se passait en lui. Depuis la veille,
il avait echafaude plusieurs plans pour arracher au
prisonnier son secret, mais il voulait etudier avant
de prendre sa decision. On ne peut agir de la meme
facon avec tous les hommes. Celui qu'il avait sous
les yeux paraissait en proie ä une frayeur intense. II
ne s'expliquait pas ce qui s'etait passe, et Rodriguez
vit immediatement le parti qu'il pouvait tirer
de la Situation. II fallait frapper l'imagination du
bandit tandis qu'il etait sous le coup de la terreur,
lui laisser croire que les details du complot etaient
connus. C'etait le meilleur moyen de les lui faire
devoiler.
— Ainsi, dit-il ä brüle-pourpoint, vous voulez
enlever Mary Puck?
— Ce n'est pas moi, balbutia Juan.
— Je sais! Vous etes sous les ordres de Marfil.
— Sous les ordres... c'est une facon de parier...
— Ne rusez pas. Vous devez toucher cinquante
mille dollars si l'operation reussit!
— C'est-ä-dire...
— Mais eile ne reussira pas!
— Croyez bien...
— Ce que je crois c'est que Sancho se moque de
vous. II se reserve la grosse part, quitte ä vous de-
noncer pour s'echapper plus aisement.
— Si j'etais sür qu'il en soit capable.
— Marfil est capable de tout!
— (^!a, c'est vrai!
— Comment suis-je informe du jour.et de l'heu-
re de l'enlevement? Je livre ce pobleme ä vos rae-
ditations. Vous le chercherez en cellule... ä moins
que vous ne preferiez votre liberte.
— Acheter ma liberte? Que faut-il faire pour cela?
— Me dire ce que vous savez pour que je con-
tröle mes notes. Sancho se moque de vous, aidez-
moi ä le prendre.
— Ma foi, tant pis! puisqu'il veut jouer au plus
fin, vous saurez tout. C'est jeudi, ä la nuit tom-
bante, que nous devons enlever Mary Puck, ä
l'heure oü eile rentre de la promenade. L'auto sera
dans une rue deserte ä proximite de la villa
Douglas.
— C'est bien cela! Je vois que vous etes sincere.
Je vais donc vous prouver ma confiance. Si vous
me jurez de faire ce que je vous dirai, je vous
rends immediatement votre liberte. Sancho sera
pris, vous serez venge et vous toucherez une forte
prime. Faites bien attention, pourtant, que tous vos
actes seront surveilles. Si un seul mot de notre
conversation vient aux oreilles de Marfil, si vous
ne tenez pas votre promesse, vous etes un homme
mort. Acceptez-vous?
— Me voilä dans de beaux draps, commenca
Juan en se grattant la tete.
— Sancho sera pris dans tous les cas, avec plus
ou moins de difficulte. Par contre si vous refusez
de m'aider, votre sort est clair.
— Je n'ai pas le choix. Donnez vos ordres,
j'obeirai.
— A la bonne heure! Voici simplement ce que
j'attends de vous!... Sitöt en liberte vous retourne-
rez ä .vos affaires et agirez exactement comme s'il
ne s'etait rien passe. Vous laisserez croire ä Marfil
que tout va bien, mais s'il change quoi que ce soit
ä ses projets, vous m'avertirez.
— Je suis libre?
— Jurez d'abord que vous executerez mes
ordres.
— Je le jure!
— C'est bien, vous pouvez vous retirer. Un mot
encore : si Marfil me glisse entre les doigts, mal-
heur ä vous. S'il est pris vous n'aurez pas ä vous
repentir.
Juan sc frotta les yeux ...
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