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L E MESSAGER DU RHIN

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Une des familles alsaciennes et lorraines les plus
fameuses etait des le Xe et jusqu'au debut du XIIP
siecle celle des comtes d'Eguisheim-Dabo. Vers
1180 le comte Adalbert III reunit dans sa main les
comtes de Metz, d'Eguisheim, de Dabo et de Moha;
il etait un prince riche, puissant et celebre. Mais il
n'etait pas heureux dans sa vie familiale, car ses
deux fils se tuerent mutuellement dans un tournoi
donne ä Andenne en l'annee 1200; il ne lui restait
plus qu'une fille, Gertrude.

Les moines de Marmoutier pres de Saverne
avaient ete ses maitres; eile parlait couramment le
latin, le francais et l'allemand, eile aimait les ro-
mans de chevalerie et les poemes des troubadours.
Elle-meme se mit ä composer des poesies. Son sa-
voir, sa beaute, ses richesses exciterent la convoi-
tise de nombreux nobles des pays environnants. A
la fin Thiebaut, fils du duc Ferry de Lorraine, un
des princes les plus beaux et les plus chevaleresques
de l'epoque, gagna sa main et epousa la comtesse en
1206. Lorsque peu de temps apres Adalbert et le
duc de Lorraine moururent, Gertrude devint l'heri-
tiere de toutes les riches proprietes de ses ancetres
en meme temps que duchesse de Lorraine.

Quelques mois plus tard le duc partit en guerre;
la jeune duchesse en fut fort attristee, mais au bout

d'un certain temps, dit la chronique, eile s'adonna
« aux esbats amoureux dont ne se fist faulte».
Son mari cependant, l'ayant appris, chassa les ga-
lants chevaliers et soumit sa femme ä une surveil-
lance rigoureuse. Elle chercha sa consolation dans
les etudes, la poesie et les arts, eile ecrivit des vers
touchants dans lesquels eile exhala ses plaintes et
exposa ses chagrins et regrets. Dans une de ses
poesies la derniere Strophe, traduite en francais
moderne, a la forme suivante :
« Pour Dieu, amis, je suis mise en grande douleur.
Mort cruelle, qui faites la guerre ä tout le monde,
Vous m'avez ravi la chose que j'aimais tant!
Maintenant, maiheureuse, delaissee, sans ressources,
Je suis comme le phenix qui est seul, comme on le dit;
Toutefois je m'en consolerais sans peine
Si je n'eprouvais le besoin d'aimer. »

Le duc Thiebaut cependant n'etait pas heureux
dans ses expeditions guerrieres. II fut vaincu par
l'empereur Frederic II, fait prisonnier et dut passer
de longues annees en captivite. Quand il revint
dans ses domaines, il etait ruine de corps et d'es-
prit, trouva peu de consolation aupres de son
epouse et mourut en 1220 dejä.

Apres trois ans de veuvage, Gertrude, encore
jeune et belle, seduisante et riche, epousa Thibaut,

Le rocher de Dabo