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LE MESSAGER DU RHIN
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paupHa inu$t<znaux
au cötzut du ^Sakata
Guerrier touareg avec son mehara
ES TOUAREG
BANDITS DE GRAND CHEMIN
Quand Rene Caille, en 1828, visita, premier Eu-
ropeen, la mysterieuse cite de Tombouctou, les ha-
bitants de la grande ville nigerienne etaient odieu-
sement exploites par les Touareg. Les pirates du
desert arretaient les flotilles sur le fleuve, se fai-
saient payer. des taxes et s'adjugeaient parfois, en
vertu du droit du plus fort, toutes les marchandises
transportees. L'intrepide Francais qui entendait les
doleances des malheureux negres, contait ä son
retour :
— II suffit de trois ou quatre Touareg pour don-
ner l'epouvante ä cinq ou six villages.
Les Touareg etaient les veritables maitres de la
region. Iis disposaient des populations dechues Selon
leur fantaisie que rien ne reprimait, et les ven-
daient comme esclaves, des qu'ils trouvaient ache-
teurs. Les noirs n'avaient rien qui leur appartint en
propre : outils, bestiaux, grains, tout pouvait leur
etre pris par leurs insatiables bourreaux. Leur Situation
etait si miserable qu'il arrivait parfois que
quelque Targui (singulier de Touareg) enlevait une
femme qui lui plaisait, sans s'inquieter de la pre-
sence du mari, du pere ou des parents, terrifies et
muets.
La facilite de ces desordres avait peu ä peu trans-
forme les tribus touareg en veritables associations
de voleurs et de bandits de grand chemin, dont les
membres n'avaient d'autre industrie que le mauvais
coup ä tenter ou la preparation au combat. Chez
eux toute propriete individuelle autre que celle des
armes avait cesse d'exister; tout appartenait ä tous
et etait follement gaspille.
Leurs exigences sans mesure avaient fini par re-
duire les habitants du Niger ä un atroce desespoir.
Trop aveulis, trop läches pour mourir les armes ä la
main, les noirs se laissaient perir de faim, refusant
de preparer des recoltes qu'ils ne pouvaient re-
cueillir, et vegetant d'herbes ou de racines qui
croissent spontanement dans la brousse, en atten-
dant, stupidement resignes, la captivite ou la mort.
Cette inertie des victimes menacait en se prolon-
geant d'amener la ruine de leurs exploiteurs. Par
suite de leur insouciance, du desordre anarchique de
leur Organisation, les Touareg etaient en effet inca-
pables d'agir en veritables proprietaires d'esclaves.
Aussi leur Situation devenait precaire, sans qu'ils
y trouvassent d'autres remedes que celui de guer-
royer les uns contre les autres. Les tribus les plus
fortes etaient occupees ä piller les plus faibles,
quand les Francais, profitant des divisions intes-
tines, occuperent Tombouctou, en 1893, apres un
audacieux coup de main.
LEUR PAYS: LE SAHARA DU SUD
Auiourd'hui sur ces territoires naguere si trou-
bles, regnent la securite et la paix. Les Touareg
n'en gardent pas moins une physionomie toute par-
ticuliere qui en.fait une des peuplades les plus interessantes
de l'Afrique. Leur pays, le Sahara du Sud,
n'est pas le desert par excellence, la mer de sable
infranchissable qu'on imaginait souvent. La realite
est tout autre. Le Sahara n'est pas uniformement
recouvert de sable, mais possede des granits, des
gres, des calcaires. De meme il n'est pas eternelle-
ment sec. II y pleut quoique irregulierement. Dans
les montagnes, il existe meme une flore arborescen-
te assez variee. Dans les regions de parcours des
Touareg, la Vegetation est souvent epineuse et ra-
bougrie; le sol est nu sur d'assez grands espaces,
mais toutes les depressions de terrain sont boisees.
Alors d'un sol plus ou moins sablonneux jaillissent
des boqueteaux d'arbustes eleves. Ces vegetaux
d'essences differentes sont assez semblables d'as-
pect; ils possedent tous de longues racines, des
epines dures et acerees, des feuilles petites et des
fleurs, le plus souvent blanches ou jaunes, dont la
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