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LE MESSAGER DU RHIN
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sagaie. Une melee generale s'ensuivit au cours de
laquelle trois Touareg furent tues, quatre autres
blesses. Quant au lion, il s'en alla tranquillement.
On peut penser au surplus qu'ils disputaient par
orgueil le redoutable honneur de porter le premier
coup, mais sans y tenir outre mesure.
DE QUELQUES DEFAUTS ET DE
PLUSIEURS QUALITES
Les Touareg considerent tout travail comme
deshonorant. Iis sont de plus en general tres igno-
rants bien que sachant lire. Quelques rares nobles
lisent et ecrivent les caracteres arabes. L'usage de
l'ecriture targui, le «tifimar», se perd de plus en
plus.
Les Touareg ont eu autrefois une reputation de
droiture, de justice, de respect de la parole donnee,
qu'ils n'ont jamais meritee, et qui n'a pas peu con-
tribue ä l'assassinat de plusieurs Francais trop
confiants.
Iis ne sont ni confus ni genes lorsque leurs men-
songes sont decouverts: tromper, mentir etant con-
sidere par eux comme une ruse intelligente, toujours
de bonne guerre. II arrive parfois qu'un
Targui ayant fait un serment est decide ä tenir sa
parole; il porte alors trois fois sa main droite ä
son front. Cette protestation de fidelite au serment
s'appelle « timmi ».
Mais malgre tous leurs defauts les Touareg sont
plus sympathiques que leurs voisins, les Maures et
les Arabes. Cette opinion est partagee par tous
ceux qui ont pu faire la comparaison. Iis ont des
goüts, des besoins qui, compares ä ceux des Maures,
semblent raffines. Iis ont de plus l'esprit curieux.
Iis s'interessent ä ce qui les entoure, ä notre exis-
tence, ä nos mceurs, et des qu'ils ont confiance, ils
se montrent tres questionneurs. Cet interet intelligent
surprend agreablement les voyageurs, habitues
ä l'apathie indifferente des Noirs et au dedain af-
fecte des Arabes pour tout ce qui n'est pas eux,
leurs mceurs, leurs coutumes, Mahomet, le Coran.
Iis en ont conclu non sans vraisemblance que les
Touareg etaient fort modifiables, et qu'au contact
de notre civilisation ils deviendraient un jour de
fideles auxiliaires, dont les rapides progres et l'as-
similation repondraient ä nos efforts.
Dejä avant l'autre guerre, certains groupes avaient
temoigne le desir de prendre du service dans notre
armee, ä condition qu'ils fussent commandes direc-
tement par des Francais. On n'ignore pas que le
Pere de Foucauld resida pendant plus de dix ans
au milieu d'eux, secourant les malades, sc montrant
plein de bonte pour cette population encore mal
attachee ä nous, qui le respecta, l'admira, et qui
l'appelait le « marabout ».
CROYANCES ET SUPERSTITIONS
DES TOUAREG
Des traditions arabes et touareg content que les
Touareg se livraient ä la magie lorsqu'ils furent
Sables et rochers du desert
contraints par l'epee d'embrasser la religion de
Mahomet. Iis renierent, d'apres les historiens du
temps, ä quatorze reprises la nouvelle religion et
payerent leur peu de foi par de cruelles persecu-
tions.
Actuellement ils sont toujours peu religieux. Iis
se disent musulmans mais sont si peu fervents que
les autres Musulmans les meprisent. Les Touareg
se defendent du reproche de tiedeur, mais recon-
naissent que bien peu d'entre eux executent cha-
que jour les cinq prieres rituelles. Iis font leurs
ablutions avec du sable meme lorsque l'eau est ä
leur portee, et, surtout, Crime impardonnable pour
les vrais croyants, ils s'agenouillent sur une natte
quelconque ayant dejä servi ä des usages vils. Iis
ne possedent point de mosquee et ne font pas le
pelerinage ä La Mecque.
Chose etonnante chez ce peuple insouciant, les
Touareg ont une peur tres vive de la mort, des re-
venants, des sorciers et surtout des diables ou
«djinns». Quand un Targui vient de mourir, un
marabout lave le corps, qui est ensuite cousu dans
une piece de toile blanche toute neuve. Cette cou-
tume est toujours observee quelles que soient les
difficultes pour se procurer l'etoffe necessaire. Le
cadavre est ensuite depose dans une fosse, couche
sur le cöte droit, la face tournee vers La Mecque.
II est recouvert de branchages, puis de terre, et
deux temoins, en pierre ou en bois, sont places,
Tun ä la tete, l'autre aux pieds, afin d'indiquer
l'emplacement de la tombe, qui est ensuite recou-
verte d'epines afin d'empecher qu'elle ne soit violee
par les hyenes.
Apres l'enterrement les Touareg se rendent ä la
tente du mort, disent quelques prieres et prennent
en commun un repas funebre, d'autant plus copieux
que la famille du defunt est plus riche et plus ge-
nereuse. Le marabout de la tribu recoit pour sa pei-
ne une vache et les vetements de celui qui n'est
plus. Puis, comme tous les Touareg sont convain-
cus que la mort n'est jamais naturelle, mais due ä
quelque sorcellerie, le camp est leve et le groupe va
s'installer ailleurs, loin de l'endroit. nefaste oü de-
ceda un de ses membres.
Quand un Targui rencontre une tombe, il s'en
detourne avec soin. II eprouve toujours une gene
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