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LE MESSAGER DU RHIN
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blicain ä leur goüt reussit chaque
fois ä les econduire.
Sous des costumes varies, l'abbe
Colmar se rend aupres des
malades et des prisonniers, et,
pour preserver le Saint Sacrement
des profanations possibles, il lui
arrive de le confier ä Louise qui
suit le pretre ä distance. . .
Mais la Revolution passe.
Louise fonde avec une amie un
foyer d'etudes qui est bientöt ap-
pele ä un grand. succes. Louise
s'etonne qu'on attribue ä son
tact, ä sa finesse, l'influence
qu'elle exerce sur la jeunesse.
Guide comme par un pressen-
timent des nouvelles gräces ac-
cordees ä Louise, l'abbe Colmar
signe avec eile un pacte spirituel
et la consacre au Sacre-Cceur.
Le pacte a lieu dans une proprie-
te de Turkenstein, pres du Donon.
Puis l'abbe Colmar est promu
eveque de Mayence, Louise Humann
fonde dans cette ville un
institut pour jeunes filles. Elle
annote beaucoup d'ouvrages im-
portants publies en France et en
Allemagne; eile entretient des re-
lations avec les esprits d'elite des
deux pays. A l'enseignement reli-
gieux, eile sait donner une forme
philosophique, mais sans jamais
perdre le contact avec le reel.
En 1814, Mlle Humann pro-
digue ses soins aux blesses de
guerre atteints par la fievre typhoide
que l'armee francaise, re-
foulee, abandonne ä Mayence.
La mort de Mgr Colmar lui arra-
che son guide, l'inspirateur de
ses ceuvres.
Humblement eile demande ä
Dieu un objet ä son devouement:
— Employee ä votre ceuvre,
Seigneur, ou inutile ä tout.
N'avait-elle pas, entre les mains
de Mgr Colmar, fait le vceu de
conformer sa vie ä l'esprit d'en-
fance spirituelle conse'ille par l'e-
vangile?
Detachee de tout appui humain,
Louise allait donner ä Dieu le
meilleur d'elle-meme. Un hasard
apparent amena la rencontre de
Mlle Humann, ägee alors d'une
cinquantaine d'annees, avec Louis
Bautain, jeune professeur de Philosophie
de la Faculte de Strasbourg
. N'ayant plus rien garde
des principes chretiens de sa pre-
miere education, ä bout de force
par surmenage intellectuel, il
songeait au suicide. Laissons Louis'
Bautain nous donner ses impres-
sions de cette premiere entrevue.
« J'avais entendu parier de la
science et de la piete de Mlle Humann
, et je m'attendais ä voir
n'avait ete que philosophe, eile
ne m'aurait pas gagne, car mon
esprit se serait mis ä disputer
avec le sien. Puis mon orgueil de
savant se serait indigne d'etre domine
par une femme. Mais comme
eile etait avant tout femme vrai-
Doux « chez moi
(Photo .Brun)
une espece de bas-bleu, ce qui ne
me souriait nullement. Je fus sur-
pris de trouver une personne tres
simple, parlant peu et toujours
avec calme et nettete. Notre con-
versation devint presque exclusi-
ve. Ce fut d'abord la philosophie
que j'aimai en eile; mais, bientöt,
j'y aimai autre chose : l'äme la
plus pure, la plus genereuse, une
raison ferme et claire qui repan-
dait partout la lumiere, sans jamais
s'ecarter du bon sens. Si eile
ment chretienne, sa bonte avait
saisi mon cceur. C'etait pour moi
une ecole nouvelle.
Par cette voie fut ranimee peu
ä peu la foi de mon enfance. ..
Je me mis ä lire l'evangile. ..
Jamais la liberte d'un homme
n'avait ete plus pleinement res-
pectee ni plus pleinement con-
quise. »
Apres deux ans, Mlle Humann
rendit ä l'Eglise le jeune philosophe
converti. Son acte de foi
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